
juillet 10, 2025
S’identifier en tant que proche aidant : Pourquoi de nombreux Canadiens ne parviennent pas à le faire
Il arrive qu’une personne qui soutient un membre âgé de sa famille au quotidien, pour l’épicerie, les rendez-vous ou les tâches domestiques, ne se voie pas toujours comme un proche aidant. Pour elle, comme pour des millions de Canadiens, une telle entraide au sein de la famille va de soi. Ne pas se reconnaître comme proche aidant, malgré un rôle bien réel, empêche de nombreuses personnes d’accéder aux services de soutien essentiels offerts au Canada.
Environ 8 millions de Canadiens prennent soin des membres de leur famille ou de leurs proches ayant des problèmes de santé à long terme, un handicap ou des besoins spécifiques liés à l’âge. Cependant, faute de se voir comme proches aidants, bon nombre d’entre eux se retrouvent isolés, épuisés et privés de l’aide disponible. Mieux comprendre ce décalage est indispensable pour renforcer le soutien offert aux proches aidants à la grandeur du pays.
Les attentes culturelles et le devoir familial
Dans de nombreuses communautés canadiennes, surtout dans celles où les traditions culturelles liées aux obligations familiales sont fortes, le rôle de proche aidant est perçu comme une responsabilité naturelle plutôt que comme un rôle distinct. S’occuper d’un proche âgé ou handicapé est, pour bien des gens, une manière naturelle d’honorer les liens familiaux.
Bien que ces traditions culturelles véhiculent des valeurs importantes, elles peuvent aussi empêcher certaines personnes de reconnaître que l’ampleur de leurs responsabilités justifierait un soutien extérieur.
Devenir proche aidant, petit à petit
Contrairement aux professionnels, les proches aidants endossent souvent ce rôle de façon progressive, sans l’avoir consciemment choisi. Une aide occasionnelle, comme tondre la pelouse ou aller à un rendez-vous, peut évoluer vers des responsabilités plus lourdes, telles que l’administration de médicaments, la prestation de soins ou la gestion de traitements médicaux complexes. Comme cette transition se fait en douceur, il est souvent difficile de dire quand une personne devient « proche aidant ».
Nombreux sont les Canadiens qui s’engagent corps et âme dans leur rôle de proche aidant sans en mesurer pleinement la portée. Lorsqu’ils en prennent conscience, ils sont souvent déjà aux prises avec un stress élevé, des difficultés financières ou des problèmes de santé.
Des barrières liées à la langue et à l’identité
Le terme « proche aidant » lui-même peut constituer un obstacle. Pour beaucoup, il sonne trop clinique ou professionnel, comme s’il s’appliquait uniquement aux travailleurs de la santé rémunérés. Certains préfèrent des expressions comme « prendre soin de » ou « être une personne de soutien », qui reflètent mieux l’authenticité de la relation. Nous utilisons le terme « proche aidant familial » comme il évoque un lien personnel fort et un engagement profond.
Endosser le rôle de « proche aidant » peut parfois donner l’impression que la relation se résume uniquement à cette responsabilité. Une personne aidant son partenaire peut résister à l’idée d’être identifiée comme proche aidante tout comme les enfants adultes peuvent éprouver des difficultés face au renversement de rôles.
L’invisibilité systémique
Sans le vouloir, les systèmes de santé et de soutien social du Canada contribuent souvent à l’invisibilité des proches aidants. Les rendez-vous médicaux se concentrent principalement sur les patients, négligeant souvent les besoins des membres de la famille qui les soutiennent. De nombreux proches aidants affirment se sentir invisibles face aux professionnels de la santé. Ces derniers oublient souvent de les reconnaître comme des experts et ils ne prennent pas le temps de vérifier comment ils vont ni de leur communiquer les ressources disponibles.
Même si certaines provinces disposent d’excellents systèmes de soutien, la fragmentation des services d’aide destinés aux proches aidants à l’échelle nationale complique l’accès aux ressources appropriées. De nombreux proches aidants restent donc sans soutien ni reconnaissance, ce qui renforce leur isolement.
Aider les proches aidants familiaux à reconnaître leur rôle
Pour améliorer la qualité de vie des proches aidants, il faut d’abord reconnaître l’importance de leurs actions. Beaucoup ne réalisent pas que le soutien qu’ils apportent au quotidien, comme accompagner leurs proches à des rendez-vous, gérer leur médication ou les aider à préparer les repas, constitue bel et bien de l’aide. Pour changer cette perception, nous devons travailler ensemble pour mieux faire connaître la réalité vécue par les proches aidants au Canada.
- Reconnaître leurs efforts au quotidien: Adoptons un langage inclusif et compréhensible lorsqu’il est question de proche aidance. Des expressions comme « proche aidant familial » aident à rapprocher le vocabulaire médical de la réalité vécue. Il est important que les messages de sensibilisation soulignent qu’il ne s’agit pas de toujours offrir des soins à temps plein, mais bien de les intégrer à la routine familiale.
- Reconnaître leurs efforts dans les systèmes de santé et les communautés: Les intervenants en santé et en services sociaux devraient être formés pour repérer et reconnaître les proches aidants pendant les consultations médicales ou la planification des soins. En posant des questions telles que « Qui vous aide à la maison ? » et en les intégrant aux échanges, ils valident leur contribution en plus de les orienter vers les ressources appropriées.
- Encourager le dialogue ouvert : Plus on parle de la proche aidance dans les milieux de travail, les écoles, les médias ou sur les plateformes numériques, plus on accorde de la visibilité à cette réalité. Ces échanges permettent aux gens de se sentir légitimes dans ce rôle.
- Accroître la visibilité à l’échelle nationale : Une collaboration intersectorielle est essentielle pour mieux faire connaître le rôle des proches aidants. Leur reconnaissance publique encourage d’autres personnes à s’afficher, à s’identifier comme telles et à accéder au soutien auquel elles ont droit.
- Soutenir les organismes qui accompagnent les proches aidants: Grâce aux dons, aux collectes de fonds et aux événements soutenant la cause, nous pouvons financer d’importantes ressources destinées aux proches aidants, défendre leurs intérêts et mettre en place des programmes de soutien à l’échelle nationale.
Aller de l’avant : favoriser la reconnaissance
Aider les proches aidants à reconnaître leur rôle augmentera la visibilité de la proche aidance à plus grande échelle. Plus ce rôle est reconnu à grande échelle, plus notre perception collective s’enrichit. La première étape pour agir en leur faveur est de déterminer les raisons pour lesquelles certains proches aidants n’arrivent pas à le reconnaître eux-mêmes. Peu importe la manière dont les proches aidants souhaitent être perçus, c’est en valorisant leur rôle dans les communautés canadiennes que nous serons en mesure de leur apporter le soutien dont ils méritent, d’optimiser leur bien-être et celui de leurs proches et de réduire leur isolement.